Au printemps 2002 et 2003, des milliers de ruches étaient décimées, dans la Haute-Garonne et le Gers, lors des semis de tournesol. Une instruction avait été ouverte au tribunal de Saint-Gaudens, sur plainte de la Direction générale de l’alimentation, qui dépend du ministère de l’agriculture.

Le fipronil, le miel et les abeilles Les analyses d’abeilles mortes avaient mis en évidence l’intoxication par le fipronil, substance active de l’insecticide pour semences Régent TS, commercialisé par les entreprises BASF puis Bayer. Et de nombreux apiculteurs ayant subi des pertes lors des miellées de tournesol se sont constitués parties civiles.

Au cours de l’enquête, la Confédération Paysanne a accusé Bayer et BASF de jouer l’obstruction, contestant "le juge d’instruction, les nombreux experts et même la signature du greffe du tribunal."

Maya et FlipDessin de Ray Clid

Le syndicat a fait appel de l’ordonnance de non-lieu rendue le 30 janvier 2009 par la juge Lazare, dénonçant une décision qui "semble accorder plus d’importance aux arguments des fabricants de pesticides mis en examen, qu’à ceux de leurs victimes, parties civiles".

On n’a pas senti le goût de l’insecticide Dans son réquisitoire du 29 septembre dernier, le procureur général demande la confirmation de l’ordonnance de non-lieu.

Argument principal : le Régent TS était vendu comme insecticide pour semences, pas pour plantes, "donc par définition comme un produit toxique". Un insecticide "n’est pas un produit agricole" et "l’enrobage des graines avec ce produit ne caractérise pas une falsification d’une denrée destinée à l’alimentation de l’homme ou de l’animal".

Les dirigeants de BASF et Bayer étaient mis en examen pour violation des articles R5165, 55167 et R5170 du code de la santé publique ? Ces 3 articles ont été abrogés en juillet 2004.

Mise en vente du Régent TS sans autorisation de mise sur le marché ? Le produit bénéficiait d’une autorisation provisoire qui expirait près d’un an après la fin de sa commercialisation en février 2004. Le procureur botte en touche sur la décision administrative.

Bayer et son dirigeant complice de destruction volontaire du bien d’autrui ? "On ne saurait prétendre sérieusement que les agriculteurs ont semé des grains de céréales traitées avec du Régent TS dans l’intention ou avec la volonté de détruire des abeilles" s’amuse le proc’.

Délit de tromperie sur la nature et les qualités du Régent TS ? Aucun des contractants de Bayer et BASF ne s’est plaint. Et "aucun consommateur, in fine, ne s’est plaint de la qualité du tournesol ou du maïs vendu". "Les apiculteurs, quant à eux, ne sont pas dans la ’chaîne marchande’", ajoute le réquisitoire.

Renvoi aux chères études Le fipronil a depuis fait l’objet d’une évaluation européenne, qui s’est conclue par une autorisation de mise sur le marché. Dans une directive d’août 2007, la Commission européenne demandait toutefois aux États membres d’accorder une attention particulière à la protection des abeilles et à la réalisation d’études complémentaires.

Bonus : au cours des recherches pour cet article, Bakchich a découvert la capacité d’anticipation du législateur en matière de santé publique… jusqu’en l’an 2222 !